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Storie - Histories

Un joyau du Sauternais, une mine d’or entre les mains: le château Suduiraut

Matthia Di Lauro Sanseverino

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Parler du château Suduiraut, c’est avant tout évoquer un terroir longtemps prisé par les amateurs de vins liquoreux, mais les temps changent et aujourd’hui celui-ci est injustement (souvent par méconnaissance) boudé par les consommateurs.

Le Sauternais ou AOC Sauternes est situé à une trentaine de kilomètres au sud de Bordeaux, surnommée “la Belle Endormie”, et tient sa particularité d’un miracle permanent. En effet, le vignoble de Sauternes doit sa renommée au botrytis cinerea. 

Il s’agit d’un champignon recherché, après avoir été redouté, qui attaque les baies et les dessèche. Aussi appelé pourriture noble, ce parasite n’est pas propre au Sauternais et se retrouve également en Alsace, en Loire etc … Cependant, l’éco-système si particulier de la région bordelaise le favorise de façon inédite. Ce beau terroir, baigné de lumière, est caressé par les brumes automnales qui se produisent grâce à la rivière du Ciron aux eaux froides, qui vient se jeter dans la Garonne plus chaude. C’est ce phénomène naturel qui contribue au développement du botrytis cinerea. 
L’aire de production de cette appellation est délimitée aux terroirs viticoles de cinq communes: Barsac (château Doisy Daëne), Bommes (château Lafaurie-Peyraguey), Fargues (château Rieussec),  Sauternes (château d’Yquem) et Preignac.
C’est justement à cette dernière commune que nous allons nous intéresser, et plus particulièrement à un château surnommé le Cru du Roy: le Château Suduiraut.

Comme cela est courant à cette époque, ce domaine prend le nom de Suduiraut suite au mariage de Nicole d’Allard et Léonard de Suduiraut en 1580. Après avoir été pillé, le château est incendié lors de la Fronde avant de renaître de ses cendres au XVIIème siècle. C’est le Baron de Noaillan, un neveu de la famille, qui reprend la demeure et apporte les modifications que nous connaissons, dont les jardins à la française dessinés par Le Nôtre. L’histoire viticole de Suduiraut débute le 18 avril 1855 avec son classement en Premier Cru. En 1992, il est acquis par AXA Millésimes, avec à sa tête Christian Seely, qui se donne pour mission de conserver et perpétuer les grands savoir-faire de l’histoire et de la culture du vin de Sauternes.
C’est précisément ce que l’actuel directeur technique du château Pierre MONTEGUT, mais aussi le maître de chai Caroline GENDRY ou encore le chef de culture Patrick DOUCET et l’ensemble des équipes, s’efforcent de transmettre à travers chaque millésime.

En octobre 2020, j’ai eu la chance de participer durant une semaine aux vendanges de ce nectar doré.

Les vignes de Suduiraut s’étendent sur 200 hectares, dont 92 de vignes aux sols de graves sablo-argileuses et se composent à 90% de sémillon et 10% de sauvignon. Ces graves capturent la chaleur du soleil en journée, puis la restaurent la nuit; ainsi la vigne peut puiser en profondeur ses nutriments. La relation avec le terroir en est renforcé et s’exprime par une forte minéralité. Une alliance entre opulence et minéralité, qui métamorphosera la dégustation en une réelle expérience sensorielle.

Le travail des vignes est très soigné, conduit en agriculture raisonnée et aux très faibles résultats. Tandis qu’aux chais, les pressurages sont longs et délicats, tout comme les élevages.
Les vendanges, manuelles, se déroulent sur plusieurs semaines avec de nombreux passages à plusieurs jours intervalles, pour ramasser grain par grain, les raisins les plus beaux, les mieux “botrytisés”.


Dès le matin tôt, différentes équipes sont désignées, auxquelles ont attribue des parcelles selon les objectifs souhaités. Puis, c’est parti. Le travail aux chais, lui, a déjà commencé avec le prélèvement des cuves, où le jus des raisins de la veille se trouve. La vendange est minutieuse,  elle demande concentration et observation; en résumé plus les raisins secs paraissent abîmés, plus le vin sera bon!


Dès les bacs pleins, ils rejoignent les chais où les raisins secs sont versés dans des pressoirs pneumatiques afin de recueillir le moût. Une fois cette opération terminée, le marc est récupéré avant d’être foulé et mis sous une presse pour extraire le reste de jus.

Je dois avouer que j’ai passé le maximum de mon temps dans les chais à observer le cheminement des raisins, mais aussi à participer au travail exigent et nécessaire pour produire ces grands vins.

Que ce soit le pressurage, le soutirage ou encore le bâtonnage, chacune de ces étapes est essentielle pour obtenir de beaux vins de sauternes. Le domaine produit cinq cuvées qui sont: le Blanc Sec, le S pour les vins secs et les Lions, Castelneau et le Château Suduiraut pour les vins liquoreux.

Cette expérience était une première en tant que vendange d’un vin liquoreux et je suis loin d’avoir été déçu. Bien au contraire et j’en ai tiré l’observation suivante:
Les équipes de Suduiraut réalise un travail formidable, et grâce à celui-ci ils ont réussi à hisser ce cru au niveau des plus grands vins liquoreux de la planète dont ses voisins font partie. Après, le partage d’expérience avec la propriété de Tokay a certainement apporté ce supplément d’âme perceptibles dans chacun de ces vins. Cependant, ils ne se sont arrêtés sur ces acquis et ont exploré de nouvelles pistes, comme le témoignent les cuvées S, Lions et Castelnau. Ces deux derniers sont dotés d’un sucre résiduel plus faible, qui viennent répondre à la demande de certains consommateurs d’abaisser la richesse du vin. En somme le travail de Pierre MONTEGUT et Caroline GENDRY consiste à rester fidèle à l’ADN de Sauternes, tout en recherchant de la fraîcheur. Pour ce faire, les élevages sont légèrement réduis (entre 18 et 24 mois) et les assemblages longuement étudiés.

Le but est d’obtenir des vins qui peuvent être dégusté à tout âge. Une jeunesse qui s’exprime par des saveurs exotiques, des notes d’agrumes; une maturité autour des fruits confits et enfin un âge plus avancé sur les épices dont le safran sans oublier de fabuleuses notes tertiaires.

Les prémices de ce que j’ai pu dégusté pendant la semaine étaient très prometteurs et Pierre me l’a encore confirmé dernièrement.

Quelques notes de dégustation:

Château Suduiraut 1966: une belle robe ambré très prononcée, un nez attrayant et qui se marie bien avec les arômes acidulés telle la marmelade d’orange. Une bouche opulente, riche, bien équilibrée avec une fine perle d’acidité, nette et concentrée avec une saveur de gingembre. Un ensemble vibrant.

Château Suduiraut 2005: une robe or moyen, un nez riche de pêche, d’ananas, écorce d’oranges confites avec le bois de chêne déjà bien présent. Un bouche sucrée, mais avec beaucoup de fraîcheur, qui maintient une certaine douceur du vin. Long et concentré, 2005 est onctueux, sans manquer d’élégance.

Blanc Sec de Suduiraut 2019: séduction immédiate. Un nez avec des agrumes et de l’amande fraîche, des épices et des fleurs de tilleul. La bouche est onctueuse grâce à neuf mois d’élevage en barriques, gourmande sur les fruits blancs et la noisette grillée. C’est un vin tonique avec des accents de pamplemousse  et une belle touche minérale.

Je terminerai par une légende qui dit que le Sauternes ne se boit qu’avec le foie gras et bien NON! J’ai pu tester des accords originaux et étonnants comme des rillettes de sardines avec le 1966. Le résultat est inattendu.

Bien sûr Pierre est un passionné, mais avant tout un fervent défenseur des vins de Sauternes, qui sont souvent méconnus et réduits à un niveau, qui ne reflète absolument en rien leurs potentiels.
Tout au long de nos échanges, j’ai compris que le Sauternes était bien plus qu’un simple vin pour lui, mais l’histoire d’un or jaune dont il est le garant depuis 2004.

Merci à Sandrine, Caroline (dans les vignes), Caroline (chais), Jean-Baptiste, Thomas, Marisa, et bien sûr à Pierre pour cet accueil chaleureux et ces vendanges enrichissantes.

Après un cursus dédié au Droit et aux Sciences-politiques, Matthia décide de prendre une année sabbatique. Pendant les premiers mois, il parcourt l'Europe et s'attable aux plus belles tables gastronomiques car oui c'est un fin gourmet: un vrai épicurien. A son retour, accompagné d'un ami, il ouvre un salon de thé-pâtisserie. Toutefois, grand amateur de vins, il prend le chemin de l'Ecole du Vin à Bordeaux avant de rejoindre le prestigieux restaurant Lucas Carton à Paris, berceau de l'accord vins et mets, où il obtient son premier poste de sommelier. L'année suivante, Giovanni CURCIO arrive au poste de chef sommelier, ce sont de vraies retrouvailles pour deux hommes qui s'apprécient, se connaissent et qui se sont croisés à trois reprises dans leurs parcours respectifs. Dès lors commence une véritable complicité entre eux et Michele, maître d'hôtel et également ami de Giovanni. Ensemble, ils n'hésitent pas à oser et ainsi débute un beau projet qui ne cesse de s'enrichir chaque jour.

2 Comments

2 Comments

  1. Alexandre

    Alexandre

    2 Aprile 2021 at 20:35

    Bel article, merci !

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